jeudi 3 octobre 2013

edX, une plateforme CLOM qui s'impose

Avec l'annonce le 2 octobre 2013 de l'initiative FUN (sic) pour (France Université Numérique) basée sur la plateforme en logiciel libre edX, [FIORASO 2013], [BRAFMAN 2013], et celle quelques semaines plus tôt du partenariat entre Google et edX dans mooc.org, le futur YouTube des cours en lignes massifs [CLANCY 2013], la plateforme edX est devenue un incontournable.

FUN (sic)

En tant que Québécois, je salue l’initiative de nos amis Français, mais FUN (!?) pour France Université Numérique et MOOC (ou « moc » comme ils prononcent) alors qu’il existe CLOM (Cours en Ligne Ouverts et Massifs), un terme équivalent en français, me fait sourire! Vu du Québec, on ne peut que déplorer le glissement vers un « franglais » pseudo-branché d'une certaine élite française pour qui la modernité ne peut s'exprimer qu'en anglais. La langue française ne mérite-t-elle pas qu'on fasse preuve d'un peu de créativité?

Toutefois, sur le plan technique, le choix de se baser sur la plateforme en logiciel libre edX est excellent! On évite ainsi de réinventer la roue, tout en contribuant à une communauté active.

Les ENA classiques

Les ENA classiques (environnements numériques d’apprentissage) en anglais LMS (Learning Management System) ou VLE (Virtual Learning Environment) comme Moodle, Sakai, Blackboard, Claroline, etc. ne sont pas employés dans les CLOM vraiment massifs.

Ceci s’explique pour plusieurs raisons :

  • Capacité de monter en charge (scalability)
  • Les ENA classiques n’ont pas été conçus pour accueillir des dizaines voir des centaines de milliers d’étudiants dans un même cours. Au delà d'un certain nombre d'étudiants, le logiciel cesse tout simplement de fonctionner [EPELBOIN 2013]. De plus, certaines plateformes sont davantage des outils de gestion pédagogique que des outils d"enseignement à distance.
  • Architecture web moderne
  • Les ENA classiques ont pour la plupart été conçus à l'époque glorieuse du web 1.0 où l'on cliquait et attendait patiemment le chargement d'une page web. Certains ENA ont migré avec difficulté à coup de rustines vers des architectures plus modernes à base de services, de programmation par événements, de clients riches en technologie Ajax / HTML5 capables de supporter différents appareils mobiles ou fixes, sans oublier les bases de données NoSQL.
  • Architecture modulaire et extensible
  • La modularité de la plateforme edX est un atout important. La possibilité de définir ses propres composants sur la base d'APIs (interfaces applicatives) bien définies comme avec les XModules ou XBlocks applique des principes de génie logiciel éprouvés. La plateforme edX devient ainsi ouverte et extensible.
  • Une variété d'outils d'évaluation
  • La plateforme edX propose déjà une variété d'outils et de modes d'évaluation comme l'autoévaluation, l'évaluation par les pairs et diverses formes d'évaluation automatisée et par modules « intelligents ». Encore là, les possibilités d'extensions constituent un avantage.
  • Dimension sociale des CLOM
  • Les CLOM reposent en partie sur les échanges entre étudiants et de nouvelles fonctionnalités sont nécessaires pour travailler entre pairs, se corriger ou se juger entre étudiants (correction par les pairs). Les ENA classiques ne gèrent pas les échanges pair à pair [EPELBOIN 2013].
  • APIs de collecte des données d'apprentissage
  • Un autre aspect négligé par les ENA traditionnels est la collecte des données massives (Big Data) et particulièrement des données d'apprentissage (Learning Analytics) et de leur traitement statistique (Machine Learning) qui sont au coeur de la capacité des CLOM de s'améliorer sans cesse. Le traitement « intelligent » des données massives est la promesse qu'un jour les CLOM pourront adapter finement leur enseignement à chaque étudiant.
  • Déploiement dans le nuage
  • Plus important encore est la possibilité d'une diffusion massive qui repose sur l’infonuagique (cloud computing) le plus souvent bâtie au-dessus d’un offre commerciale (Amazon AWS, Google AppEngine, etc.) ce qui demande aussi une expertise assez pointue en informatique. Les ENA classiques comme Moodle et Sakai n’ont pas été conçus pour être déployés facilement dans le nuage.
    L'idée des architectures web échelonnables (Scalable) est précisément de permettre le passage à grande échelle d'une maquette logicielle sans modifier le code et les outils logiciels. C’est le même code informatique qui tourne pour 50 ou 50 000 utilisateurs, seulement le nombre de serveurs est plus grand.
    Au moment du déploiement massif, l'avantage de l'infonuagique est de pouvoir louer à la demande des infrastructures sur les plateformes comme Amazon ou Google. Ainsi on ne paie que pour ce qu'on utilise et on évite de coûteux investissements en immobilisation et achat de matériel.

Du logiciel libre svp!

Comme choix de plateforme technologique, nous écarterons Coursera et Udacity qui sont des plateformes de diffusion privées reposant sur des logiciels propriétaires utilisables seulement à travers la signature d’un partenariat. Cela dit Coursera demeure une solution rapide pour une première expérience CLOM dans le cas d’une université prestigieuse qui veut réduire ses risques (plateforme stable, publicité assurée).

Les principaux avantages de la plateforme CLOM edX sont premièrement d'être une plateforme technologique entièrement basée sur des logiciels libres et deuxièmement d'être une plateforme strictement sous le contrôle institutionnel. Ainsi, les universités qui participent au consortium edX contrôlent leur plateforme CLOM à la fois sur le plan technique et sur le plan économique sans lien avec des entreprises privées comme avec Coursera ou Udacity qui poursuivent leurs propres objectifs et intérêts.

La disponibilité en code source libre signifie que la plateforme edX peut être utilisée par d’autres universités et fournisseurs de services éducatifs. La plateforme edX peut être hébergée en interne ou par un service d’hébergement ou un service infonuagique (cloud) externe. La licence libre associée à la plateforme edX permet aux universités de contrôler leurs contenus selon diverses formes et pour différents publics sans autorisation du propriétaire de la plateforme [HAYWARD 2013].

La plateforme edX - point de vue technique

Annoncée en avril 2013 [RIVARD 2013a] et disponible depuis juin 2013, la plateforme edX en logiciel libre sous licence Affero GPL v3 est le résultat de la fusion des développements initiaux de edX (l’entreprise à but non lucratif fondée par Harvard et le MIT) avec Class2Go, une autre plateforme de CLOM en logiciel libre développée par des ingénieurs du département d'informatique de la Stanford University.

Codée essentiellement en Python avec un peu en Ruby, la contribution de l’équipe de Stanford enrichit la plateforme edX avec un outil de clavardage en temps réel, un module d’envoi massif de courriels, des scripts d’installations, des outils d’administration et l’intégration d’un outil externe de gestion / création de questionnaires [HAYWARD 2013].

Malgré sa jeunesse, la plateforme edX est riche, modulaire et conçue pour répondre aux différents critères énumérés plus haut dont le déploiement relativement aisé sur une infrastructure infonuagique. On remarquera l'emploi de Django dont le slogan est « Le socle d'application Web pour les perfectionnistes aux échéanciers serrés! » , de node.js pour la programmation événementielle et de MongoDB, la perle des bases de données NoSQL. Par dessus tout, edX dispose de nombreux APIs modulaires pour l'enseignement à distance, la correction automatique ou la cueillette de données d'apprentissage (edX Insights).

Du point de vue du génie logiciel (et de l'Homme de Java!), le principal défaut de edX est de reposer sur Python, un langage à script (typage dynamique) où l'on découvre ses erreurs à l'exécution. Cela dit, avec l'usage systématique des tests unitaires et du développement guidé par les tests (TDD: Tests Driven Development), la réalisation de logiciels complexes avec Python est tout à fait possible. Python présente aussi de gros avantages, sa simplicité, une syntaxe peu verbeuse, une sémantique cohérente et de nombreuses bibliothèques et extensions. Une fois maîtrisé, Python permet une excellente productivité. Un dernier argument est la quasi mainmise d'Oracle sur le langage Java qui éloigne les nouveaux développements en logiciels libres de Java.

L’annonce le 10 septembre 2013 d’un partenariat entre Google et edX [CLANCY 2013] pour l’hébergement gratuit de CLOM souligne la forte dynamique des CLOM. Cela montre aussi l'importance de maîtriser l'infrastructure infonuagique qui supporte le déploiement massif des CLOM. Cette annonce renforce le choix de edX comme plateforme de CLOM.

Conclusion et perspectives

La disponibilité de la plateforme edX en logiciel libre conçue spécifiquement pour l'enseignement massif à distance et selon une architecture résolument moderne mérite un coup d'oeil.

Issue des trois grandes universités américaines que sont Harvard, Stanford et le MIT, edX mérite que l'on s'y attarde.

Adoptée par 20 des plus grandes universités dans le monde, par la France pour sa plateforme nationale et bientôt disponible sur l'infrastructure de Google, la plateforme edX est devenue une incontournable.

Ma seule réserve est que edX exigerait une contribution financière importante pour faire partie de son consortium. Être membre de ce « Club Select » permet de bénéficier du support technique, de la plateforme de déploiement infonuagique et surtout de la visibilité du portail edX. Par contre, rien n'interdit à une université de se débrouiller à partir des codes sources. En cela, l'annonce du partenariat avec Google dans mooc.org constitue un débloquant majeur.



[FIORASO 2013] Fioraso, Geneviève, France Université Numérique : construire l'Université de demain, Discours de la Ministre de l'Éducation supérieure, 2 octobre, 2013.
http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid74183/france-universite-numerique-construire-l-universite-de-demain.html

[BRAFMAN 2013] Brafman, Nathalie. “L’université française passe de l’amphi aux cours en ligne.” Le Monde.fr, October 2, 2013.
http://www.lemonde.fr/enseignement-superieur/article/2013/10/02/l-universite-francaise-passe-de-l-amphi-aux-cours-en-ligne_3488383_1473692.html.

[CLANCY 2013] Clancy, Dan. “We Are Joining the Open edX Platform.” Blog. Google Research Blog, September 10, 2013.
http://googleresearch.blogspot.ca/2013/09/we-are-joining-open-edx-platform.html

[EPELBOIN 2013] Epelboin Yves. “Les MOOC en Europe.” UPMC - TICE - Confluence, July 2013.
http://wiki.upmc.fr/display/tice/Les+MOOC+en+Europe

[HAYWARD 2013] Hayward Brad. “Stanford Online Coursework to Be Available on New Open-source Platform.” News. Stanford University, June 11, 2013.
http://news.stanford.edu/news/2013/june/open-source-platform-061113.html

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