dimanche 12 mai 2013

Le nécessaire virage vers les compétences des CLOM

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Les CLOM (MOOCs) actuels présentent une vision morcelée de la formation avec des cours à la carte, très ponctuels, et l’absence de programme et de formation à long terme. Cela s’explique sans doute en partie par leur jeunesse, comme peu de contenu a été médiatisé sur ces plateformes. De plus, les CLOM (MOOCs) offrent peu ou pas d’encadrement pédagogique, ni de support pour les étudiants moins motivés ou moins autonomes [ROSENTHAL 2013]. De plus, alors que beaucoup de disciplines enseignées à l’université comme la médecine, les sciences expérimentales ou les arts, requièrent un enseignement pratique avec stages, studios ou laboratoires, les CLOM actuels ne peuvent répondre à ces besoins d’apprentissage.

Enfin, plus important, la plupart des CLOM se cantonnent pour le moment à la transmission des connaissances, ce qu'on appelle les xMOOC, et négligent le nécessaire virage pédagogique vers les compétences comme l’appelle de tous ses voeux Thomas L. Friedman, le célèbre éditorialiste du New-York Times, dans un article au titre évocateur « The Professor’s Big Stage » (La grande estrade du professeur) paru le 6 mars 2013, dont nous soulignons quelques passages [FRIEDMAN 2013].

The world only cares, and will only pay for, what you can do with what you know. … We’re moving to a more competency-based world where there will be less interest in how you acquired the competency — in an online course, at a four-year-college or in a company-administered class — and more demand to prove that you mastered the competency. - Thomas L. Friedman, New-York Times – 6 mars 2013

Friedman rejoint en cela Gilbert Paquette qui, en 2002, enjoignait les Québécois « à relever le défi de la société du savoir » par le développement de plateformes visant l’amélioration des compétences [PAQUETTE 2002b].

Qu'est-ce que l'approche par compétences?

L’approche par compétences (competency-based) est née de la rencontre entre le pragmatisme des entreprises et celui de la pédagogie par objectifs. Elle s’inscrit dans une logique de personnalisation de la formation, de prise en main et de réflexion de l’étudiant sur sa formation. Dans cette vision, l’approche par compétences inclut aussi l’approche par projets et le suivi de stages.

La compétence d'abord conçue dans une approche comportementale (ou béhavioriste) est aujourd’hui comprise dans une approche plus systémique. Nous nous inspirerons de la définition du concept de « compétence » énoncée par Jacques Tardif, spécialiste québécois de l’approche par compétences [TARDIF 2006].

Une compétence est un savoir-agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d'une variété de ressources internes et externes à l'intérieur d'une famille de situations.

On constatera que le mot « ressource » a remplacé le mot « connaissance » et que l'on considère que les ressources externes peuvent se révéler cruciales dans la mobilisation d'une compétence.

L’approche par compétences répond aussi aux demandes grandissantes de «professionnalisation» de la formation universitaire par les associations et ordres professionnels qui souvent accréditent les programmes de formation universitaires.

Un autre aspect concerne l'acquisition des compétences et le maintien de ces compétences dans le cadre d'un programme d'éducation continue / permanente [PAQUETTE 2002a].

Le virage vers les compétences

Face à une demande de diversification des moyens d’apprentissage par les natifs du numérique, la mobilité de la main-d’oeuvre et la concurrence des puissances émergentes de l’internet comme les CLOM, Google, LinkedIn et autres « distributeurs » d'insignes numériques (digital badges), le développement des compétences deviendra un enjeu stratégique majeur pour les universités traditionnelles qui devront bien établir la « valeur des diplômes » [COULOMBE 2013a]. Certains considèrent que l'apprentissage à base de compétences sera le catalyseur du changement du modèle économique de l'enseignement supérieur [MORRISON 2012].

Aussi, dans un monde où la tendance est de voir se multiplier le plagiat ainsi que les insignes numériques et les certificats de valeur douteuse, nous pouvons faire l’hypothèse que les recruteurs voudront miser sur les résultats d'activités qui démontrent les compétences réelles des candidats [COULOMBE 2012].

L'évaluation au coeur de l'approche par compétences

Au coeur de l'approche par compétences on trouve l'évaluation fréquente des compétences afin de suivre, d'encadrer et de documenter le processus d'apprentissage des compétences [TARDIF 2006]. On peut même observer que l'importance apportée à « la mesure » via l'évaluation des compétences est caractéristique du passage d'une activité artisanale à une véritable ingénierie pédagogique.

L’approche par compétences s’inscrit également dans une logique de suivi du cheminement de l’étudiant, de support à la performance, d’agrément (ou certification) des savoirs opérationnels et/ou compétences, d’accréditation des cours et des programmes par les associations professionnelles. Cela constitue une occasion pour les institutions d'enseignement reconnues de se distinguer en offrant la certification par signature électronique non seulement des diplômes mais également au niveau de granularité plus fin des compétences.

Or, le suivi des apprentissages exige du contrôle, des évaluations fréquentes et un encadrement qui sont plutôt lourds et impopulaires dans le contexte académique traditionnel mais qui peuvent être pris en charge avec l'aide des bonnes solutions technologiques.

Dans un prochain billet nous présenterons des outils numériques à associer au CLOM pour mieux supporter l'approche par compétences.



[ROSENTHAL 2013] Rosenthal, A. The Trouble With Online College, Article de journal, The New York Times, 18 février 2013, sec. Opinion. http://www.nytimes.com/2013/02/19/opinion/the-trouble-with-online-college.html - consulté en 2013
[FRIEDMAN 2013] Friedman, T. L., The Professors’ Big Stage, Article de journal, New York Times, 6 mars 2013. http://www.nytimes.com/2013/03/06/opinion/friedman-the-professors-big-stage.html - consulté en 2013
[PAQUETTE 2002b] Paquette, G.. Modélisation des connaissances et des compétences. Presses de l’Université du Québec, 2002. Québec, Québec, p. 66
[TARDIF 2006] Tardif, J. L’évaluation des compétences. Chenelière Éducation, 2006, p.
[COULOMBE 2013a] Coulombe, C. Réinventer l’université québécoise à l’Âge du numérique Blogue. La rhétorique de l’Homme de Java, 12 janvier 2013. http://hommedejava.blogspot.ca/2013/01/reinventer-luniversite-quebecoise-lage.html - consulté en 2013
[MORRISON 2012] Morrison, Debbie. The Next Big Disruptor - Competency-based Learning. Blog. Online Learning Insights, June 12, 2012. http://onlinelearninginsights.wordpress.com/2012/06/12/the-next-big-disruptor-competency-based-learning/ - consulté en 2013
[COULOMBE 2012] Coulombe C., L'infonuagique éducative : promesses et défis!, Colloque international sur les TIC en éducation, 3 et 4 mai 2012, Montréal, Québec.
[PAQUETTE 2002a] Paquette, G., L’ingénierie pédagogique. Presses de l’Université du Québec, 2002, Québec, Québec, p. 62

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